Trek Pamiri...

Me voilà donc au croisement où mon chauffeur de camion chinois m'a déposé, c'est-à-dire au milieu de pas grand chose, si ce n'est une route...

Je me met en marche vers le petit village tadjik de Bulunkul, à une quinzaine de kilomètres de là. Malgré l'altitude (environ 3700m) et le fait que je n'ai mangé qu'un demi-pain depuis hier soir, j'arrive 3h plus tard au hameau, et je trouve une famille d'hébergement moyennant finance. La manière dont on est accueilli diffère vraiment énormement lorsqu'on est là en tant que source de revenu plutôt qu'en simple voyageur sur la route. La famille me fait donc manger dans une pièce à part, et je m'invite un peu dans leur salon ensuite pour tenter d'établir un échange...J'y arrive surtout avec les plus jeunes, qui m'invitent ensuite à une partie de volley improvisée. Ils se débrouillent plutôt bien, et certains adolescents nous rejoignent. L'un d'eux parle un anglais très correct, fruit de ses années d'études à l'unversité d'Asie Centrale (Khorog).

Je rentre me coucher, sachant que demain m'attendent 25km à une altitude de plus de 3900m.

 

Dès 8h, je suis en marche, et je ne regrette pas mon choix de partir avant que la lumière ne soit trop dure. Je profite ainsi des couleurs de la steppe, tout en grimpant pour accéder au lac Yashil Kul.

Une fois en haut, je découvre le lac, passablement essouflé par la montée. Il y a très peu de verdure, et les nuages jouent aux ombres chinoises sur les flancs ocres des montagnes. La route est assez bonne, ce qui me permet une progression rapide vers la pointe ouest du lac, que j'atteins dans l'après-midi.

Je plante la tente, tentant d'échapper au fort vent que j'ai eu à combattre toute l'étape.

Je suis affairé a la construction d'un rempart de pierre contre les rafales lorsque le gardien du barrage arrive. Malgré mes coups à la porte à mon arrivée, il vient juste de s'éveiller. Le pauvre bougre vit ici tout seul depuis une quinzaine de jours et le départ de son collègue, malade. Il est donc heureux d'avoir de la compagnie, et m'invite à dormir dans le hangar qui lui tient lieu de maison. J'accepte, et nous passons la fin de la journée à discuter en russe. Je lui fait don d'un sachet d'abricots secs, car il a un début de scorbut (carence en vitamines importante issue d'une alimentation très pauvre).

Je repars le lendemain matin tôt, et la journée commence par une traversée de la Gunt (rivière que je suivrai jusqu'à demain). Après une ascension à couper le souffle du barrage naturel qui a formé le lac Yashil Kul, je redescends pour trouver un moyen de retraverser la Gunt, car le sentier est de l'autre côté...

Cette fois-ci, je perds presque une heure à choisir un endroit, enlever chaussure et pantalon, traverser, remettre le tout.

Et c'est bien sûr pour tomber sur un torrent de 3 mètres de large moins d'une heure après...

Tout ces choses prennent du temps, et je n'ai pas l'impression d'avancer.

Pourtant, le sentier serpente entre les bosquets de saules qui ont poussé dans la plaine alluviale, il y a du sable partout, et j'ai parfois l'impression d'être proche de l'océan tant la rumeur de la rivière derrière une butte est forte.

Je déjeune dans un fourré, protégé du vent qui ne me lâche pas.

Le paysage devient aride, les derniers arbres cèdent la place à des touffes d'herbes et d'épines.

Je continue ma progession, au pieds de pics enneigés. Le vent ne me quitte plus dans ces espaces découverts, et je ressens un grand soulagement à la vue des premières maisons du village de Batchor.

Une famille très accueillante me laisse planter la tente dans leur champ, et je suis même invité à dîner le soir !!

En échange, j'offre une crème réparatrice pour la peau à la paysanne qui souffre de crevasses à cause de la sécheresse de l'air et de son labeur (Marine, si tu me lis, sache que ton présent cosmétique fait le bonheur d'une paysanne tadjike désormais).

La nuit est calme, et je repars après un petit déjeuner frugal.

Le paysage est plus vert, car mon altitude avoisine les 3200m maintenant. J'apercois même des lièvres, quelques marmottes, et un oiseau aquatique qui s'empresse de fuir à mon approche. Je me suis donné comme objectif le village de Shazdud, à 20km de Batchor, mais j'ai du mal à finir l'étape, car le vent des jours précédents a fait son oeuvre, et me voilà fiévreux. Je croise une vipère et une couleuvre, et j'utilise mon bâton pour écarter la première, un peu trop curieuse à mon goût. C'est la première fois que je vois des serpents depuis le début du voyage, et je me félicite d'avoir une tente la nuit.

Arrivé au village, je demande une couverture à une famille, qui me laisse dormir jusqu'au soir chez eux, après le traditionnel thé. Je réserve une place dans la voiture qui part demain pour Khorog, la seule ville de la région (35000 habitants). Je préfère écourter ma marche d'une journée et rejoindre un endroit où des médecins "qualifiés" exercent...

Après une nuit dans une autre famille, dont les enfants parlent anglais, je me tasse dans un fourgon pour faire les 120km qui me séparent de Khorog.

J'y resterai quelques jours le temps de me reposer avant d'aller à la découverte du Wakhan tadjik, vallée à l'extrême sud du pays, partagée avec l'Afghanistan.

Ps : au moment où j'écris, je suis guéri, c'était rien de grave.

Comments

[marine]

coucou Loïc !
contente que la crème est servie ! j'espère qu'à cette heure ci tout va bien de ton côté. tes photos sont vraiment à couper le souffle, et tes commentaires sont soignés... c'est un bonheur de te
lire. bonne route encore et encore ;-)

[8beat]

Je vois que tu arrives toujours à avoir accès à une connexion internet, c'est bon à savoir !

Content de voir que tu n'as pas tenté le diable et que tu as pris du temps pour te reposer.

A très vite pour de nouvelles aventures chocolatées j'espère !