Ou l'on se perd en montagne (un peu)...

Je commence ma marche au sein du parc national de Borjomi, repute pour sa faune et sa flore ans toute la Georgie. Les premieres heures sont agreables, bien qu'en montee constante, et je suis protege du soleil par l'epaisse futaie. J'use de mon sens de l'orientation (un peu), et de ma chance (beaucoup) pour deviner le sentier, le marquage oscillant entre l'omnipresent tous les 20m, et l'inexistant sur plusieurs kilometres.

Enfin, apres 4h de balade, j'apercois le refuge, installe douilletement 200m plus bas que la crete ou je me trouve... J'y rencontre trois autres randonneurs, ainsi qu'un ecureuil noir au plastron blanc.

A l'aube du jour suivant, j'entame le plus gros troncon de ma randonnee, plus de 20km sur les cretes, mais des le depart, je peine a trouver mon chemin dans les alpages depourvus d'arbres, avec ma carte peu precise et des sentiers de vache courant a flanc de montagne tout autour de moi. Malgre tout, le paysage vaut le detour...

Je finis en hors piste, grattant les metres vers une petit sommet qui me permettra d'avoir une vue d'ensemble. Je tombe sur un marquage, que je suis a defaut d'autres indices sur ma position. Je parcours les cretes des montagnes, entoure d'une veritable mer de rhododendrons. Ca monte sec, et apres un repas rapide, les nuages commencent a monter vers moi, masquant le relief alentour.

Je suis le chemin en aveugle, un peu anxieux lorsqu'il disparait sur 50m pour reapparaitre ensuite, et la visibilite ne cesse de baisser. Je tente en vain de me reperer, sachant simplement grace a ma boussole que je ne suis pas sur le bon sentier. Seul le chemin semble encore exister, dans un monde reduit a des ombres vagues emergeant de la brume pour s'y fondre aussitot depassee.

Je progresse en aveugle, lorsqu'un meuglement rauque me tire de ma reverie. La silouhette imposante d'un taureau apparait dur ma route. je ralenti le pas, et passe a moins de deux metres de la bete qui me suis du regard... Soulage, je reprends ma chemin, lorsque d'autres meuglements repondent devant moi...Finalement, c'est un troupeau d'une bonne trentaine de bovins, tous males, que je dois traverser, sursautant au son du combat  entre deux des animaux qui resonne dans la brume.

Je croise les premier humains de la journee, incarnes par deux randonneurs slovaques, qui m'indiquent obligeamment sur quel sentier je me trouve. J'apprends qu'encore trois heures de marche m'attendent avant le prochain refuge, ce qui porte mon total a 9h de marche dans la journee...

Le refuge abrite une derniere epreuve pour le marcheur fatigue qui vient d'y entrer. Il est effet occupe par quatre georgiens, dont deux tiennent encore debout, qui ont passe l'apres-midi a se souler ici. Je suis invite a me joindre a eux, pour des cul-sec de ce qui doit etre le pire vin jamais mis en bouteille en ce monde (un bon 15 degres d'alcool, avec un gout de noisettes rances et de bois amer...).

Le dernier buveur encore debout m'invite cordialement a passer la nuit dans sa maison, mais vu q'il compte prendre le volant pour y aller, je prefere m'abstenir de l'accompagner. Je m'endors rapidement sur l'une des couchettes du refuge, mais mes compagnons ivres ont laisse du pain sur la table en quittant l'endroit, ce qui fait la joie des rongeur avec qui je partage la cabane. Leurs cavalcades et leurs couinements me tiendront eveilles une bonne partie de la nuit...

C'est d'un pas de zombie que je francis les derniers 18km qui me separent de la piste principale apres la sortie du parc. Heureusement, la bienveillance georgienne se manifeste au randonneur ensommeille : une Lada me prends en stop jusqu'a la gare du coin, ou je grimpe dans un train qui m'avancera vers ma destination du soir, la grande ville de Kutaisi. J'y retrouve les joie de la civilisation, douche et lessive comprise, avec en bonus le vin local, delicieux, et un lit moelleux.